Bonjour tout le monde,
Cela fait longtemps maintenant depuis mon dernier email. Beaucoup de choses ont changé pour moi. Je vais essayer d’expliquer ce qui s’est passé le plus succinctement possible. Vous vous souvenez peut-être que j’ai été forcé à quitter la robe par le moine-chef, parce que mon visa malaisien arrivait à sa fin et qu’il ne voulait pas m’autoriser à aller où que ce soit en tant que moine.
Mais avant cela, j’ai pu mettre mon temps à profit pour approfondir mon expérience de méditation, que je vais partager puisqu’on me l’a demandé. J’ai atteint un état où les pensées s’arrêtent complètement, un état de silence profond, et pourtant extrêmement vivide. A un moment, je me suis senti comme si j’étais en sommeil profond, ayant accès aux coulisses de mon esprit, et en même temps je me sentais très éveillé, comme si certaines parties de mon esprit qui ne se révèlent que dans le sommeil s’éveillaient et prenaient par à mon état éveillé. Plusieurs fois, j’ai ressenti des douches de plaisirs qui ne sont pas de ce monde. Je dis cela parce que je ne connais aucune situation de la vie normale, aucun objet qui soit à même de créer de telles sensations. Dans l’ensemble, la méditation m’a donné davantage de contrôle sur mon esprit, comme un texte bouddhiste dit: « je ne pensais pas ce que je ne souhaitais pas penser ». Je suis devenu capable de contrôler des parties de mon esprit qui ont toujours fonctionné automatiquement, sans supervision, et qu’on pense ne pas pouvoir contrôler, comme l’humeur. Il s’avère qu’avec la méditation, il devient possible de choisir son humeur, ce qui signifie qu’on peut choisir d’être toujours content, même lorsque des choses pas très amusantes nous arrivent, parce qu’on contrôle son esprit. J’avais également le sentiment que tout cela n’était que le commencement, et que plus j’approfondirais, plus j’en découvrirais.
Ainsi donc, après avoir quitté la robe, je suis allé comme prévu en Thaïlande, et j’ai passé environ un mois là-bas,
presque uniquement à Bangkok.
D’abord chez un ami de couchsurfing,
puis dans un hostel.
Ma première idée était de redevenir moine, mais cela n’était pas possible immédiatement en Thaïlande, à cause du vassa (retraite de mousson) qui n’était pas encore fini. Et entretemps j’ai réalisé que j’avais des douleurs dans les articulations, surtout lorsqu’il pleuvait, et que cela empirait jour après jour. Je me suis dit qu’il fallait que je me repose et que je voie comment ma santé évoluait avant de redevenir moine, parce que cela avait été assez difficile de faire en sorte que mes problèmes de santé soient pris au sérieux quand j’étais moine en Malaisie. J’ai rencontré pas mal de monde pendant ce temps, et l’une de ces personnes a mentionné l’ashram d’Amma dans le Kerala (en Inde), comme un endroit où je pourrais séjourner. Finalement, j’ai décidé d’y aller.
Au final, je n’y suis resté que 10 jours (j’espérais y rester plus longtemps), voici pourquoi.
J’avais entendu parler d’Amma auparavant, puisqu’elle fait le tour du monde et embrasse les gens. Ils font littéralement la queue pour se faire embrasser par elle. Et je l’ai fait aussi. Deux fois. C’est une personnalité vraiment forte. Une femme petite mais qui déplace des montagnes. Elle choisit des gens pour s’occuper de programmes de réduction de la pauvreté, ainsi que des écoles, des services de micro-crédit etc. Elle reçoit des louanges de tout le monde, des élus corrompus jusqu’aux partis communistes d’opposition, et même du président du pays. Cependant, l’ashram suivait encore les protocoles covid et n’autorisait pas à rester dans les chambres partagées, qui sont presque deux fois moins cher. Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas rester sur le long terme et j’ai donc décidé d’aller voir mes amis dans le nord de l’Inde. Sur le chemin, j’ai visité un gros hôpital à Cochin (capitale du Kerala), qui est inspiré par les enseignements d’Amma, et où ils ont fait un prélèvement du staphylocoque et ont testé divers antibiotiques dessus. Il s’avère que cette maladie résiste à quasiment tous les antibiotiques sauf les plus puissants, ceux qu’on ne donne que dans les hôpitaux, en intraveineuse.
Je suis donc retourné à Bodhgaya et j’y suis resté environ 10 jours.
Après cela, je suis reparti à Bangkok. Voyant que mon argent s’en allait bien plus vite que je ne l’aurais espéré, j’ai décidé de me mettre à chercher du travail, afin de rester sur place et voir comment continuer. J’ai cherché pendant trois semaines sans arriver à dénicher un travail correct et légal, en dépit du fait qu’un de mes amis me soutenait qu’il était garanti que j’en trouve un. Puisque tout cela me coûtait bien trop cher pour pas grand chose, j’ai décidé de rentrer en France.
Je suis maintenant de retour en Avignon, et je prépare la suite. Pendant que j’étais moine, j’ai trouvé la recette pour atteindre un certain niveau de méditation et je l’applique maintenant à la maison, et ça fonctionne à peu près pareil. La différence est que j’ai un peu plus de choses auxquelles je dois penser maintenant, mais cela fonctionne tout de même assez bien, et j’en suis assez content. Puisque j’obtiens ce que je voulais dans ma vie normale, je me sens moins incliné maintenant à devenir de nouveau un moine. C’est un processus très compliqué, et ils ne le simplifient pas, tout au contraire. Je ne dis pas que je n’y retournerai jamais, mais ce n’est plus dans mes plans pour le moment. Tout ce que je veux, c’est continuer la pratique jour après jour et démarrer une nouvelle carrière en ligne, en espérant un jour devenir un nomade numérique, et pouvoir choisir où je vis et travaille.
C’est donc la fin de cette expérience. C’est à la fois un échec et une réussite pour moi, et je suis content du temps et de l’opportunité que j’ai eue pendant ces quelques mois.
Je vous souhaite à tous le meilleur pour l’avenir.
Prenez bien soin de vous
Remy