Nouvelles n7: fin de cette phase, début d’une nouvelle

Bonjour tout le monde,

Cela fait longtemps maintenant depuis mon dernier email. Beaucoup de choses ont changé pour moi. Je vais essayer d’expliquer ce qui s’est passé le plus succinctement possible. Vous vous souvenez peut-être que j’ai été forcé à quitter la robe par le moine-chef, parce que mon visa malaisien arrivait à sa fin et qu’il ne voulait pas m’autoriser à aller où que ce soit en tant que moine.

Mais avant cela, j’ai pu mettre mon temps à profit pour approfondir mon expérience de méditation, que je vais partager puisqu’on me l’a demandé. J’ai atteint un état où les pensées s’arrêtent complètement, un état de silence profond, et pourtant extrêmement vivide. A un moment, je me suis senti comme si j’étais en sommeil profond, ayant accès aux coulisses de mon esprit, et en même temps je me sentais très éveillé, comme si certaines parties de mon esprit qui ne se révèlent que dans le sommeil s’éveillaient et prenaient par à mon état éveillé. Plusieurs fois, j’ai ressenti des douches de plaisirs qui ne sont pas de ce monde. Je dis cela parce que je ne connais aucune situation de la vie normale, aucun objet qui soit à même de créer de telles sensations. Dans l’ensemble, la méditation m’a donné davantage de contrôle sur mon esprit, comme un texte bouddhiste dit: « je ne pensais pas ce que je ne souhaitais pas penser ». Je suis devenu capable de contrôler des parties de mon esprit qui ont toujours fonctionné automatiquement, sans supervision, et qu’on pense ne pas pouvoir contrôler, comme l’humeur. Il s’avère qu’avec la méditation, il devient possible de choisir son humeur, ce qui signifie qu’on peut choisir d’être toujours content, même lorsque des choses pas très amusantes nous arrivent, parce qu’on contrôle son esprit. J’avais également le sentiment que tout cela n’était que le commencement, et que plus j’approfondirais, plus j’en découvrirais.

Ainsi donc, après avoir quitté la robe, je suis allé comme prévu en Thaïlande, et j’ai passé environ un mois là-bas,

presque uniquement à Bangkok.

D’abord chez un ami de couchsurfing,

puis dans un hostel.

Ma première idée était de redevenir moine, mais cela n’était pas possible immédiatement en Thaïlande, à cause du vassa (retraite de mousson) qui n’était pas encore fini. Et entretemps j’ai réalisé que j’avais des douleurs dans les articulations, surtout lorsqu’il pleuvait, et que cela empirait jour après jour. Je me suis dit qu’il fallait que je me repose et que je voie comment ma santé évoluait avant de redevenir moine, parce que cela avait été assez difficile de faire en sorte que mes problèmes de santé soient pris au sérieux quand j’étais moine en Malaisie. J’ai rencontré pas mal de monde pendant ce temps, et l’une de ces personnes a mentionné l’ashram d’Amma dans le Kerala (en Inde), comme un endroit où je pourrais séjourner. Finalement, j’ai décidé d’y aller.

Au final, je n’y suis resté que 10 jours (j’espérais y rester plus longtemps), voici pourquoi.

J’avais entendu parler d’Amma auparavant, puisqu’elle fait le tour du monde et embrasse les gens. Ils font littéralement la queue pour se faire embrasser par elle. Et je l’ai fait aussi. Deux fois. C’est une personnalité vraiment forte. Une femme petite mais qui déplace des montagnes. Elle choisit des gens pour s’occuper de programmes de réduction de la pauvreté, ainsi que des écoles, des services de micro-crédit etc. Elle reçoit des louanges de tout le monde, des élus corrompus jusqu’aux partis communistes d’opposition, et même du président du pays. Cependant, l’ashram suivait encore les protocoles covid et n’autorisait pas à rester dans les chambres partagées, qui sont presque deux fois moins cher. Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas rester sur le long terme et j’ai donc décidé d’aller voir mes amis dans le nord de l’Inde. Sur le chemin, j’ai visité un gros hôpital à Cochin (capitale du Kerala), qui est inspiré par les enseignements d’Amma, et où ils ont fait un prélèvement du staphylocoque et ont testé divers antibiotiques dessus. Il s’avère que cette maladie résiste à quasiment tous les antibiotiques sauf les plus puissants, ceux qu’on ne donne que dans les hôpitaux, en intraveineuse.

Je suis donc retourné à Bodhgaya et j’y suis resté environ 10 jours.

Après cela, je suis reparti à Bangkok. Voyant que mon argent s’en allait bien plus vite que je ne l’aurais espéré, j’ai décidé de me mettre à chercher du travail, afin de rester sur place et voir comment continuer. J’ai cherché pendant trois semaines sans arriver à dénicher un travail correct et légal, en dépit du fait qu’un de mes amis me soutenait qu’il était garanti que j’en trouve un. Puisque tout cela me coûtait bien trop cher pour pas grand chose, j’ai décidé de rentrer en France.

Je suis maintenant de retour en Avignon, et je prépare la suite. Pendant que j’étais moine, j’ai trouvé la recette pour atteindre un certain niveau de méditation et je l’applique maintenant à la maison, et ça fonctionne à peu près pareil. La différence est que j’ai un peu plus de choses auxquelles je dois penser maintenant, mais cela fonctionne tout de même assez bien, et j’en suis assez content. Puisque j’obtiens ce que je voulais dans ma vie normale, je me sens moins incliné maintenant à devenir de nouveau un moine. C’est un processus très compliqué, et ils ne le simplifient pas, tout au contraire. Je ne dis pas que je n’y retournerai jamais, mais ce n’est plus dans mes plans pour le moment. Tout ce que je veux, c’est continuer la pratique jour après jour et démarrer une nouvelle carrière en ligne, en espérant un jour devenir un nomade numérique, et pouvoir choisir où je vis et travaille.

C’est donc la fin de cette expérience. C’est à la fois un échec et une réussite pour moi, et je suis content du temps et de l’opportunité que j’ai eue pendant ces quelques mois.

Je vous souhaite à tous le meilleur pour l’avenir.

Prenez bien soin de vous

Remy

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Update 7: end of this phase, beginning of a new one

Hi everyone,

It’s been a long while now since my last email. A lot of things have changed for me. I will try to explain what happened as succinctly as possible. You may remember that I was forced to disrobe by the monk in charge, because my Malaysian visa was running out and he didn’t want to allow me to go anywhere as a monk.

But before that, I did have some time to deepen my experience of meditation, which I am going to share since it has been requested. I experienced a state of mind where thoughts stop completely, a state of deep silence, extremely vivid. At one point, it felt like being in deep sleep, in touch with the backstage of my mind, yet I felt at the same time very much awake, as if parts of my mind that would only work when I am asleep were getting awakened and became part of my waking state. Several times, I felt showers of pleasures that are not from this world. I mean, I don’t know any situation of normal life, any object that can create such a type of incredibly blissful sensations. Overall, meditation gave me more control over my mind, as one Buddhist text says, I did « not think what [I did]n’t want to think ». I became able to control parts of my mind that have always worked automatically, unsupervised, and that we think can’t be controled, like the mood. Turns out, with meditation you can choose your mood. Which means you can choose to always feel happy, even when crappy stuff happens to you, because you control your mind. I also had the feeling that all this was just the beginning, that the deeper I would go, the more I would uncover.

So after disrobing I went to Thailand as planned, spent about a month there,

almost only in Bangkok.

First at a coushsurfing friend’s place,

then in a hostel.

My first idea was to become a monk again, but that was not possible immediately in Thailand because the vassa (mansoon retreat) was still going on. I came to realize that I was getting pain in my joints, especially when it rained, and that was getting steadily worse. I figured I had to sit back and see how my health evolved before I would become a monk again, because it had been quite difficult while in Malaysia to get my health concerns taken seriously while I was a monk. I met a number of people during that time, and one of them mentioned Amma’s ashram in Kerala (India) as a place where I could potentially stay. I eventually decided to try that and went to India.

I ended up staying only 10 days (I was hoping to stay longer), and here is why.

I had heard of Amma before, as she tours the world giving hugs to people. They literally line up to get a hug from her. And I did too. Twice. She is quite a character. A short woman who moves mountains. She chooses people to lead poverty relief programs, as well as schools, micro-lending services etc. She gets praise from everyone, from the corrupt officials currently in charge as well as the opposition communist party, and even the president of the country. But the ashram was still implementing covid-era rules and did not allow people to stay in shared rooms (which are almost 50% cheaper). So I figured I wouldn’t be able to stay there long term and decided to go see my friends in northern India. On the way, I visited a big hospital in Kochi (capital of Kerala) which is inspired by Amma’s teachings, where they took a sample of the staphylococcus infection and tested various antibiotics on it. It turns out this is a real die hard, which resists to all but the strongest antibiotics, the kind you get only in hospitals, intravenously.

So I went back to Bodhgaya and stayed there for about 10 days.

After that, I flew back to Bangkok. Seeing how my money supply was getting depleted much faster than I had hoped, I decided to start looking for a job so I could stick around and see how to continue. I searched for about 3 weeks and was unable to find anything, despite one of my friend telling me it was guaranteed I would find something. Since this was still costing me way too much, I eventually decided to go back to France.

I am now back in Avignon, planning the next stage. While I was a monk, I figured out the recipe for getting in the zone and I am now applying it while living at home, and it works pretty much the same. The difference is that I have slightly more things to think about now, but it still works pretty well and I am quite happy about it. Since I am getting what I wanted in my normal life, I now feel less incentive to try to become a monk again. It’s such a complicated process, and they don’t really make it much easier, quite the contrary. I’m not saying it won’t happen again, but it’s not in the plans any more for now. All I want is to continue the practice day by day and start a new career online, with hopes of eventually becoming a digital nomad, after which I would be able to chose where I live and work.

So this is the end of that experiment. It’s both a failure and a success for me and I am grateful for the time and opportunity that I had during these few months.

I wish every one of you the very best for the future.

Take care

Remy

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Nouvelles n°6: changement de plans

Il était temps que j’envoie des nouvelles. Je vais commencer avec cette photo, prise par Kevin, qui m’a déposé à l’aéroport de Singapour le 5 août.

Et puis celle-ci, prise par Jimmy, que j’ai rencontré en attendant l’embarquement.

Quand je suis arrivé en Malaisie, on m’a laissé rentrer dans le pays, mais puisque j’étais habillé en moine, on m’a dit que je n’étais pas un touriste et que par conséquent on ne me donnerait pas les 90 jours habituels (j’ai vérifié, ils me les avaient donnés automatiquement 12 fois depuis 2015, et encore pas loin d’une dizaine d’autres sur mon passeport précédent). Puisque j’avais en ma possession une réservation de vol pour le 26 septembre, on m’a accordé le séjour seulement jusqu’au 27 (à peu près 50 jours au lieu de 90). Ça a causé un petit problème parce que j’étais censé finir le vassa, la retraite de 3 mois pendant la saison des pluies, qui finira le 9 octobre. Il me manquerait donc deux semaines.

Du coup je suis revenu à Nandaka et j’ai continué mon séjour. Mon ami vivant à Bangkok est revenu et a amené un de ses amis.

Mais pendant ce temps, mes problèmes de santé étaient encore loin d’être résolus, et j’ai eu quelques moments difficiles. J’avais une gastrite, et probablement un ulcère en formation, avec un estomac qui ne s’arrêtait plus de produire de l’acidité en permanence, et je n’étais autorisé à prendre des repas que pendant 6h sur 24. Je commençais généralement à avoir faim vers 16h,alors que je ne pouvais pas prendre de repas jusqu’après 7h le lendemain matin. J’étais autorisé à prendre du miel, de l’huile, un jus de pomme, de citron ou d’avocat selon ce qu’on mettait à ma disposition. J’ai eu parfois des difficultés à dormir parce que min estomac était trop douloureux. Obtenir de l’aide n’a pas toujours été facile non plus (j’imagine que les différences de culture et de style de communication y sont pour quelque chose) et j’ai été poussé au-delà de mes limites une fois ou deux. Mais depuis j’ai pu voir un spécialiste et après une longue attente, j’ai les médicaments adéquats pour traiter les ulcères et je devrais être sur la voie (lente) de la guérison.

Pendant ce temps, un plan a été mis en place pour que je fasse un autre visa run, cette fois à Hat Yai dans le sud de la Thaïlande. J’étais censé y rester 3 jours et ensuite rerentrer dans le pays une fois de plus et obtenir un nouveau visa. Ne me demandez pas les détails, si vous voyez ce que je veux dire, mais je peux dire que ça aurait coûté assez cher. Sur le long terme, mon plan était, comme je l’avais mentionné la dernière fois, de continuer dans un monastère qui partage le même fondateur et la même maison mère (Pa Auk), et celui de Thaïlande semblait être un candidat attractif.

Mais on m’a clairement fait comprendre ces derniers jours qu’il n’en était pas question. Je n’avais pas compris qu’on ne me ferait absolument pas confiance, même pour aller dans un autre établissement de la même organisation. En d’autres termes, on ne fait confiance à personne, puisque apparemment c’est la politique générale dans ce monastère où je suis.

Étant donné tout cela, y compris mon besoin d’améliorer mon état de santé, et puisque je serai forcé de défroquer tôt ou tard (car je ne pourrai pas rester dans ce pays éternellement), j’ai décidé de prendre les devants et de défroquer avant que mon visa actuel n’arrive à son terme, c’est à dire avant le 27 de ce mois.

Mon nouveau plan est d’aller en Thaïlande, prendre du repos, guérir, voir des amis et ensuite commencer à chercher un endroit où me faire réordonner. Pa Auk Thailande est en haut de la liste, mais je vais également explorer d’autres possibilités. J’ai juste besoin d’un endroit où je pourrai essentiellement pratiquer la méditation toute la journée (il y a beaucoup d’endroits où on vous occupe avec tout un tas de corvées souvent peu utiles, du coup je vais éviter ces endroits là) et où je pourrais continuer mes traductions des paroles du Bouddha en Français.
Je ne peux toujours pas trop parler de mes expériences en méditation et de comment elles transforment ma vision de la vie (à cause des règles monastiques), mais je pourrai me faire après avoir défroqué.


D’ici là, j’espère que tout se passera bien pour vous

Paix et Amour

Remy

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Update 6: change of plans

An update was now long overdue. Let me start with this picture, taken by Kevin, who dropped me at Singapore’s airport on August 5th.

Then this one taken by Jimmy, whom I met while waiting for boarding.

So upon arrival in Malaysia, I was allowed into the country, but since I was dressed as a monk, I was told that I was not a tourist and that therefore they would not grant me the customary 90 days (I checked, they had given it to me automatically 12 times since 2015, and a bunch more times on my previous passport). Since I was carrying a flight reservation for Sept 26th, they granted me stay until Sept 27th only (roughly 50 days instead of 90). This has caused a slight problem because I was supposed to finish the vassa, the rainy season 3-month retreat which ends on October 9th. I would be 2 weeks short.

So I came back to Nandaka and continued my stay. My friend living in Bangkok came back and brought a friend of his.

But meanwhile my health problems were still far from resolved and I have had some difficult times. I was having a gastritis and likely a forming ulcer, with my stomach producing acidity around the clock while I was allowed to take meals only during 6h out of 24. I usually started feeling hungry around 4pm but I could not take a meal until after 7am the next day. I have sometimes had difficulties to sleep since my stomach was too painful. Getting help has not been easy at every step (I imagine differences in culture and communication style are responsible) and I was even pushed over my limits once or twice. But since then I have seen a specialist and now I should finally be on the way to recovery. I have proper medication for treating ulcers.

And meanwhile, a plan has been designed for me to do another border run, this time to Hat Yai in south Thailand. I was supposed to stay there for three days and then re-enter the country one more time and getting a new visa. Don’t ask me the details of that one, if you see what I mean, but I can say that it wouldn’t have been cheap at all. In the long run, my plan was, as I mentioned last time, to continue in a monastery of the same organization, sharing the same leader and philosophy (Pa Auk) and the one in Thailand seemed like a pretty good place to land.

But I have been made to understand very clearly in the past few days that this is out of question. I had not understood that I would not be trusted even to go to another establishment of the same organization. In other words there is no trust at all for anyone, since apparently this is the general policy in this particular place. So given all the above, including the need for me to improve my health and since I will have to disrobe sooner or later because I won’t be able to stay in the country forever, I have decided to cut my losses and disrobe before my current visa runs out, that is before the 27th of this month.

The new plan is to go to Thailand, take some rest, heal, see some friends, and then start looking for a place to reordain. Pa Auk Thailand is near the top of the list but I will look for other opportunities as well. I just want a place where I can basically practice meditation all day (many places will keep you busy with a great many chores to do, so I’ll skip those) and where I can continue my translations of Buddha’s sayings into French.

I still can’t talk much about my meditation experience and how it is transforming my outlook on life (because of the monks’ rules), but I will be able to do that after I disrobe.

In the meantime I hope you will fare well enough until then

Peace and Love

Remy

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Nouvelles n°4 : apprivoiser l’esprit

L’un des problèmes fondamentaux de l’existence humaine est que, même si les parties intelligentes de l’esprit sont correctement informées par une véritable sagesse, ses parties bornées, si elles sont livrées à elles-mêmes, peuvent s’avérer vraiment idiotes et nous mener à maintes reprises vers des comportements peu judicieux et des logiques à court terme qui finissent par nous créer des problèmes.

Il ne devrait pas être trop scientifiquement erroné de dire que les parties intelligentes de notre esprit fonctionnent sur la base des parties du cerveau qui sont spécifiques à l’humain, comme le néocortex, tandis que les parties bornées fonctionnent sur la base des parties du cerveau que nous avons en commun avec différentes classes d’animaux. Il se passe ainsi constamment un phénomène comme le suivant : nos sens obtiennent des informations du monde extérieur, cette information passe par une partie de l’esprit qui évalue si elle est agréable ou non, on obtient la sensation correspondante dans le corps, et ensuite des parties profondes de l’esprit, souvent subconscientes, réagissent automatiquement à cette sensation, avec une soif d’en obtenir plus si elle est agréable ou une aversion à son encontre si elle est désagréable.

Ces processus se produisent dans l’ombre de notre subconscient et, si ils sont livrés à eux-mêmes, mènent souvent à des troubles tels que les comportements compulsifs, les addictions etc. Par exemple, une addiction très commune de nos jours est le sucre et les aliments qui en contiennent, bien que d’un point de vue purement rationnel on devrait les éviter presque complètement. Et que dire des écrans, des réseaux sociaux, de la dopamine ? Il y a même des gens qui préconisent maintenant des cures de désintoxication à la dopamine, parce que le monde moderne a fait de nous des accrocs à la dopamine, et nous en payons le prix.

Les bouddhistes, les hindous, les jains etc. croient en général que si nous nous laissons contrôler par les parties bornées, animales de notre cerveau et notre esprit, qui ne font que suivre ce qui est agréable à court terme, alors lorsqu’on meurt, notre attachement à l’existence nous mène à une naissance parmi des êtres qui partagent nos habitudes mentales, dans ce cas-ci les animaux. Tandis que la clé d’une naissance dans un plan d’existence plus élevé et plus heureux (pour les chrétiens, imaginez des anges de nombreuses sortes) est d’organiser notre vie avec sagesse, selon des standards adéquats des parties spécifiquement humaines de notre cerveau et notre esprit.

Dans le bouddhisme, en tant que science de la spiritualité, il y a un outil très simple qui est utilisé pour atteindre les parties profondes de notre esprit, qui sont bornées, survivalistes et profondément liées au corps, afin de les rendre plus intelligentes en les faisant rejoindre les parties intelligentes de l’esprit qui comprennent la sagesse. C’est un outil qui est lié aux deux : la respiration.

En effet, la respiration peut être contrôlée volontairement par l’esprit intelligent si on le souhaite, mais lorsqu’on ne la contrôle pas volontairement, l’esprit profond, survivaliste, prend le relais et fait le travail, à l’arrière plan de ce qu’on fait à ce moment-là. La respiration agit ainsi comme un pont qui nous permet de joindre le conscient au subconscient. L’idée est d’observer la respiration, avec toute l’attention que possèdent les parties intelligentes de l’esprit, tout en la laissant devenir automatique, c’est à dire contrôlée par les parties usuellement bornées de l’esprit. C’est ainsi que les deux parties se rencontrent et, à travers la pratique, s’unissent. C’est comme effectuer une plongée profonde dans notre subconscient (Freud aurait dû essayer), et le rendre intelligent plutôt que borné et réactionnaire. Au final, in parvient à prendre le contrôle de parties de notre esprit qui jusque là fonctionnaient automatiquement, dans l’obscurité de notre subconscient, et de certaines parties qui étaient auparavant dormantes, mais qui commencent à s’éveiller (p. ex. souvenirs de notre petite enfance, et ensuite avant cela etc.)

Le Bouddha (littéralement : l’Éveillé) appelait cela samadhi (rassemblement [de l’esprit]) ou citassekagatta (unification de l’esprit). Cette pratique nous donne le contrôle sur notre esprit-singe, qui cesse d’errer dans les marécages du dialogue intérieur et des rêvasseries incessants, et commence à devenir utile, capable de faire beaucoup de choses, tout comme un éléphant sauvage, une fois apprivoisé et dressé, peut être utilisé pour transporter de lourds troncs d’arbres.

Pour le moment, j’en suis toujours à la partie apprivoisement et dressage initiale, et lorsque l’entraînement devient un peu trop ardu, mes habitudes mentales sauvages peuvent reprendre le dessus temporairement. Alors le charmant monastère peut commencer à sembler comme une prison, et certaines parties de mon esprit commencent à se demander pourquoi je ne suis pas en train de parcourir librement la Terre. Je dois alors lui rappeler que je n’ai jamais parcouru librement la Terre, que tout déplacement entre deux points a toujours eu un coût, que j’essayais presque toujours de minimiser.

Ainsi, il y a des jours où les différentes parties de mon esprit entrent dans un conflit ouvert. Heureusement, cette fois-ci ce n’est jamais devenu vraiment difficile. La dernière fois que j’étais un moine, en 2016, j’avais eu une version assez amère de ce conflit du tout premier jour continuellement , jusqu’à ce que je défroque deux mois plus tard. Il semble donc que je sois assez sûrement sur les rails, puisque l’une des bonnes choses dans cette voie est que, tout le reste demeurant égal, la situation ne peut que s’améliorer, en vertu de grandes quantités de pratique de la méditation.

Paix et amour

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Update 4: Taming the mind

Spending so much time watching the mind one thing becomes increasingly clear : much like the brain itself, the human mind has many layers that work in different ways and patterns. Some layers are well connected to those senses that get information from the outside world, while some others are mostly connected to the body and what it feels from inside. Some layers of the mind are quite smart and capable of handling complexity, while some are quite dull, short-sighted and react blindly.

One of the fundamental problems of human existence is that, even if the smart parts of the mind are well informed by true wisdom, its dull parts, if left unchecked, are really dumb and can lead us time and again to unwise, short-sighted behavior that creates trouble for us down the line.

It shouldn’t be too scientifically inaccurate to say that the smart parts of our mind operate mostly out of those parts of the brain which are specific to humans, such as the neocortex, while the dull parts operate mostly out of those parts that we have in common with different classes of animals. Something like the following happens constantly : our senses get information from the outside world, that info passes through a part of the mind that evaluates if the info is agreeable or not, we get the corresponding feeling in our body, and then deep parts of the mind, often subconscious, react automatically to this feeling with a thirst for more if it’s agreeable or aversion towards it if it’s disagreeable.

These processes operate in the dark of our subconscious and, if unchecked, often lead to disorders such as compulsive behavior, addictions etc. For example a very common addiction nowadays is sugar and foods that contain it, even though from a purely rational standpoint we should avoid pretty much all of it. What to say of screens, social networks, dopamine? There are even people encouraging dopamine detox now because the modern world has made us dopamine junkies, and that is ultimately harmful for us.

Buddhists, Hindus, Jains etc. generally believe that if we let ourselves be controlled by the dull, animal parts of our brain and mind, which follow only what is agreeable in the short term, then when we die our attachment to existence leads us to a rebirth among like-minded beings, in this case animals. While the key to a birth in a higher, happier plane (for Christians, picture angels of many different kinds) is to manage our life wisely, by proper standards of the specifically human parts of the brain and mind.

In Buddhism, as a science of spirituality, there is a very simple tool which is used to get in touch with the mind’s deeper, duller, survivalist, body-connected parts so as to make them smarter by joining forces with the smart parts that understand wisdom. It’s a tool which is connected with both: the breath.

Indeed the breath can be controlled voluntarily by the smart mind if we so desire, but when we don’t control it voluntarily, the deeper, survivalist mind takes over and does the job in the background of whatever else we are doing at that time. So it acts as a bridge between the conscious and the subconscious mind. The idea is to observe the breath, with all the attention of the smart parts of the mind, while letting it become automatic, i. e. controlled by the usually dull parts of the mind. This is how both parts get in touch, and then, through practice, unite. It’s like taking a deep dive into your subconscious (and Freud should have tried this) and making it smart instead of dull and reactionary. The end result is unlocking control over parts of the mind that were previously running automatically, in the dark of the subconscious, and some that used to be dormant but are now being awakened (e. g. memories from early childhood, and then before that, etc.).

The Buddha (in English, the Awakened One) called this samadhi (collecting [the mind] , putting it together) or citassekagatta (unification of the mind). This practice gives us control over our monkey-mind, which no longer wanders wildly in the swamps of incessant inner dialog and daydreaming, and becomes useful, able to do many things, just like a wild elephant, after taming and training, can be used to carry heavy tree trunks.

At the moment, I am still in the initial taming and training part, and when the training becomes a little too strenuous, my wild mental habits may temporarily take over. Then, the lovely monastery may start looking like a prison, and some parts of my mind may start wandering why I am not roaming the Earth freely. So I have to remind it that I have never roamed the Earth freely, that every move between two points has always had a cost, which I almost always tried to minimize.

Thus there are days when the different parts of my mind enter in open conflict. Thankfully, this time around it hasn’t gotten really bad so far. Last time I was a monk in 2016, I had a pretty bitter version of this conflict from the very first day, all the way until I disrobed 2 months later. So it looks like I am relatively firmly on track, since one of the good things about this path is that, all else remaining equal, the situation can only improve, by virtue of large amounts of meditation practice.

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Nouvelles n°3 : échanger des bonbons contre de l’or

Ça n’est pas très en vogue ces-temps-ci d’annoncer qu’on va devenir moine (ou nonne – le mot ‘moine’ désignera par la suite les deux d’un coup). Certains de vos amis ou de vos proches pourraient même se demander ce qui vous arrive et penser que vous êtes devenu fou. Et c’est bien compréhensible. Le monde moderne nous offre plus d’opportunités et de plaisirs que jamais, et puis il y a le fait que choisir une alternative à l’hédonisme ambiant finit trop souvent en Occident en désastre du type pédo-criminel. (Et la raison pour cela est qu’il manque à l’Occident une sagesse qui a été connue en Orient depuis des millénaires, mais on reviendra sur cela plus tard.)

Je vais donc essayer d’expliquer pourquoi quelqu’un aujourd’hui voudrait abandonner tout ce dont on peut jouir dans le monde pour aller vivre dans un monastère. Pour commencer, comme presque tout le monde, un moine bouddhiste est engagé dans la poursuite du bonheur, et pas d’une manière tordue ou masochiste, mais d’une manière qui utilise une sagesse profonde et ancienne, qui est presque complètement inconnue en Occident, et que chacun doit essayer par lui-même pour vraiment connaître.

Mais commençons par examiner comment on poursuit généralement le bonheur dans le monde moderne, surtout dans les sociétés occidentales, capitalistes. Je pense qu’il serait honnête de dire qu’on essaie essentiellement de devenir heureux en changeant les circonstances de notre vie, afin d’atterrir dans une situation qui nous satisfait, autrement dit qui satisfait notre esprit. Ainsi, beaucoup de gens veulent devenir riche et/ou entrer dans la relation amoureuse parfaite de leurs rêves. Certains veulent devenir connus, d’autres veulent réussir quelque chose que personne n’a jamais fait auparavant…

Mais toutes ces stratégies ont quelque chose en commun : elles tentent d’agir extérieurement pour changer le monde autour de nous afin qu’il nous fournisse ce qu’on veut. Le problème avec ce paradigme, c’est que beaucoup des facteurs qui interviennent dans la réalisation de ce succès sont hors de notre contrôle, et par conséquent la plupart d’entre nous rencontrent des frustrations et des insatisfactions sur leur chemin, et se rendent rapidement compte que le succès apparaît rarement sans sacrifice.

Ainsi, le chemin du bonheur, pour la plupart d’entre nous, est ardu, parce qu’on le fait dépendre de facteurs qui sont hors de notre contrôle. Et pour ne rien arranger, les ingénieurs sociaux qui organisent la société moderne, autrement dit les riches et puissants, sont très malins. Ils ont très bien compris que la clé de leur richesse et de leur pouvoir se trouve dans nos esprits, et que si, au moyen d’incessantes publicités, distractions fictionnelles, ou influences de la part de célébrités, ils peuvent prendre le contrôle de nos rêves, de notre notion de ce qu’est le bonheur, alors ils peuvent contrôler notre comportement, de telle manière que nous choisissons de les suivre dans une quête (typiquement) matérialiste, au cours de laquelle nous les enrichirons.

Il y a un épisode des Boondocks qui illustre ce point. Jazmine, la fille des voisins, profite d’une vague de chaleur pour vendre à la bonne franquette de la limonade sur le trottoir. Tout va bien, jusqu’à ce qu’un homme riche remarque qu’il y a de l’argent à se faire et s’arrête. Il lui fait miroitier la possibilité d’obtenir un poney si elle signe un contrat avec lui et qu’elle le remplit en vendant assez de limonade. Elle mord à l’hameçon, et l’homme riche finit par prendre tout l’argent et faire de sa vie un enfer. De la même manière, courant après l’accès à la propriété, ou ayant acheté une grosse et haute voiture, ou une piscine pour leur maison, ou après avoir mordu à un hameçon du type ‘biens et services’, beaucoup d’entre nous finissent endettés, coincés avec un boulot qu’ils préféreraient ne pas avoir à faire, courant dans une roue de hamster sans fin qui génère encore plus de richesse pour quelqu’un qui est déjà riche.

De plus, même les gens qui ont du succès en cherchant le bonheur de cette manière se révèlent souvent être malheureux dans leur vie personnelle. Hollywood a plus d’un exemple de tels personnages : certains vont même jusqu’à se suicider (Robin Williams, Tony Scott), d’autres ont des ruptures de liaisons douloureuses et rendues publiques (Johnny Depp, Angelina Jolie), ou de sévères addictions aux drogues etc. Et même si d’une manière ou d’une autre ils parviennent à éviter tout ça, comme tout le monde, ils doivent également devenir vieux, et finalement tomber malades puis mourir.

Et s’il y avait une meilleure stratégie ?

Examinons un possible changement de paradigme : si le bonheur apparaît lorsque notre esprit est satisfait des circonstances présentes de notre vie, pourquoi ne pas, au lieu d’essayer de changer ces circonstances (qui sont essentiellement au-delà de notre contrôle) afin qu’elles satisfassent notre esprit, essayer plutôt de changer notre esprit lui-même (qui est potentiellement sous notre contrôle, et est bien plus facile à changer que le monde extérieur) afin qu’il devienne plus facilement satisfait des circonstances de notre vie, telles qu’elles sont déjà ? (Bien sûr, cette stratégie présuppose que quelques besoin de bases sont remplis : sécurité, liberté, eau, nourriture, logement…)

En d’autres termes, l’idée est que la clé de notre bonheur, tout comme la clé de la richesse et du pouvoir de nos oligarques, se trouve dans notre esprit, puisque après tout le bonheur n’est rien d’autre qu’un état d’esprit. Ainsi, la stratégie serait d’arrêter la tâche herculéenne qui consiste à essayer de plier le monde autour de nous à nos desiderata, et d’à la place entraîner notre esprit à devenir heureux ici et maintenant, dans le monde tel qu’il est déjà.

Cependant, cela demande du temps et de l’énergie, et c’est bien plus facile à réaliser si on est libre de toutes les obligations et responsabilités que nous impose la société. Et ça, c’est une raison d’aller s’entraîner dans un monastère, puisque les moines bouddhistes sont des mendiants de nourriture, afin d’avoir un programme complètement vide et de n’avoir aucun souci par rapport à quoi que ce soit, dans le but de vouer tout leur temps et leur énergie à la poursuite du bonheur, en entraînant leur esprit à devenir heureux.

Mais cela pose la question : quelle sorte d’entraînement mental me rendra plus heureux qu’une star d’Hollywood, riche et célèbre ?

Avant d’y répondre, examinons d’abord celle-ci : qu’est-ce qui nous empêche d’être pleinement heureux ici et maintenant ? Le Bouddha dit que c’est simplement notre manque de satisfaction chronique avec le moment présent, ce qu’il appelle la première ‘noble vérité’ de l’insatisfaction (dukkha). Mais qu’est-ce qui cause cette insatisfaction ? Il dit que c’est la soif (taṇhā), essentiellement pour les plaisirs des cinq sens (mais pas seulement), qui trouve satisfaction dans les objets externes ici ou là, cependant toujours de manière limitée, puisque les plaisirs des sens ne peuvent jamais être que transitoires.

En d’autres termes, c’est la soif pour les expériences agréables qu’on préférerait avoir maintenant plutôt que ce qu’on a naturellement en réalité qui nous empêche d’être heureux dans le moment présent, et le Bouddha appelle ça la deuxième noble vérité. Et donc logiquement, l’élimination de cette soif qui nous barre l’accès au bonheur permettra à l’esprit d’être pleinement satisfait avec le moment présent, et ça c’est la troisième noble vérité. La quatrième et dernière noble vérité est une méthode en huit étapes permettant l’élimination de cette soif et ainsi l’accès à un bonheur complet et durable, même à travers la vieillesse, la maladie et la mort.

Ainsi donc, un homme se rend dans un monastère bouddhiste afin d’atteindre le bonheur en éliminant cette soif de son esprit. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, parce qu’il s’est identifié à cette soif pendant longtemps, et qu’il l’a laissée prendre le contrôle de sa vie. Alors comment fait-il ?

C’est là que, comme je l’ai dit plus haut, il manque en Occident une sagesse fondamentale, parce qu’il n’y existe aucune méthode culturellement bien connue pour réaliser cette élimination. Les enseignements se contentent de dire ‘ne fais pas ci, ne fais pas ça’. Oui, mais comment ? C’est à toi de te débrouiller ! Bonne chance ! Et le résultat, c’est que la seule chose que les gens qui s’engagent sur une voie similaire savent faire c’est réprimer, tenter de reléguer cette soif au sous-sol, en la transformant en un monstre-sous-le-lit qui rôde dans les ténèbres du subconscient et qui finit par ressortir de toute sa force en plein milieu de la nuit, en les rendant fous, et il se peut qu’ils finissent par s’engager dans des actes de défaite, voire des actes criminels. C’est comme s’ils avaient un sac de bonbons (autrement dit les objets agréables et plaisants des cinq sens) et qu’ils voulaient s’en débarrasser pour trouver le vrai bonheur, mais leur propre esprit se rebelle contre eux parce qu’ils ne connaissent pas le lingot d’or qu’ils doivent lui donner en échange, contre les bonbons.

Quel lingot d’or ? Ça commence avec une pratique qui n’est pas connue traditionnellement en Occident : la méditation. C’est pourtant un concept assez simple : il n’y a qu’à s’asseoir les jambes croisées, le dos droit et rester attentif à la respiration autour des narines, savoir si l’air rentre ou s’il sort, rien d’autre. Et c’est tout. Cela peut sembler étrange si vous n’avez aucune expérience de cet exercice, mais beaucoup de choses commencent à se produire, dans le corps aussi bien que dans l’esprit. Pour faire court, si vous avez une carte permettant de naviguer les difficultés de cette pratique très simple et d’éviter ses récifs et ses tourbillons, s’il ne vous reste plus rien qui vous cause du remord (sous forme de pensées désagréables et persistantes), vous arrivez à un point (appelé jhana, aussi connu sous le non de Zen) où vous ressentez une sorte particulière de joie subtile. Cette joie crée un type de plaisir dans le corps qui est meilleur, plus subtil et plus raffiné que n’importe quel autre plaisir que vous avez jamais ressenti.

Et c’est un atout majeur dont l’Occident est essentiellement resté ignorant. Vous n’avez même pas à y penser ni d’effort à faire, votre corps et votre esprit le ressent, et le processus est automatique. Et ainsi, chaque fois que vous vous rappelez quoi que ce soit que vous ayez fait dans le passé, ça apparaît pâle en comparaison avec ce dont vous faites l’expérience dans le moment présent, et vous ne ressentez plus de soif pour ces choses-là. Que ce soit les voyages, les vacances, la nourriture, le sexe, ou quoi que ce soit d’autre, votre cerveau sait et ressent que ce que vous avez maintenant est de meilleure qualité.

De plus, à l’inverse des plaisirs des cinq sens, ce plaisir n’est pas juste transitoire, il peut durer pendant des heures. Si vous mangez beaucoup ou que vous faites beaucoup l’amour, vous allez rapidement finir par être dégoûté de la chose et commencer à rechercher autre chose. Mais ici, vous pouvez vous délecter d’une quantité sans limite de ce plaisir, et vous apprenez progressivement à en obtenir une quantité potentiellement infinie. Et en plus, il y a des stades plus avancés où il devient plus puissant, plus raffiné, jusqu’à ce que, d’après la carte, vous transcendiez même ce plaisir-là pour quelque chose d’encore plus satisfaisant.

Et c’est comme ça qu’on réussit l’échange des bonbons contre l’or. Le jhana est une forme de laisser-aller avantageux, dans lequel on utilise la tendance naturelle de l’esprit à l’hédonisme pour le libérer des tribulations de l’hédonisme en tant que style de vie, lesquelles apparaissent lorsque nous faisons des efforts pour obtenir le contact avec les objets des cinq sens qui sont agréables. On remplit son corps d’un plaisir non-sensuel (il est dit non-sensuel parce qu’il a sa source dans la joie, un état mental, et non dans un objet des cinq sens) qui élimine efficacement tout sentiment de privation qui apparaîtrait autrement lorsqu’on élimine la soif. On n’a pas besoin de réprimer ses tendances naturelles, ni d’essayer de les faire disparaître dans le sous-sol de notre esprit, dans la pénombre de notre subconscient, et il y a bien moins de danger qu’il apparaisse subitement pour nous mordre.

Une fois qu’on est libéré, même partiellement, de cette soif et des quêtes vers lesquelles elle nous envoie, on obtient un sentiment de liberté accrue, on est capable d’être heureux ici et maintenant sans ressentir le besoin de changer les circonstances présentes en s’engageant dans une chasse compliquée.

Atteindre le jhana n’est cependant pas la fin de la route, ce n’en est en fait que le début, on pourrait même dire un prérequis, mais la vie et son niveau de bonheur s’améliorent déjà tellement que retourner aux luttes quotidiennes de la vie normale semble être un tourbillon géant de tribulations. Et c’est pour ça que la vie dans un monastère peut sembler ne pas être si mal que ça, après tout.

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Update 3: Trading candy for gold

It’s not very fashionable these days to announce that you are going to become a monk (or a nun – ‘monk’ will henceforth stand for both). Some of your friends and relatives might even wonder what happened to you and think that you’ve gone insane. And that’s understandable. The modern world provides us with more opportunities and pleasures than ever before, and then there’s the fact that choosing an alternative to hedonism is too often met in the West with disasters of the pedo-criminal kind. (And the reason for this is that the West still lacks to this day a fundamental piece of wisdom which has been known in the East for thousands of years, but we’ll come to that later.)

So let me try to explain why someone today would give up all there is to enjoy out there to go live in a monastery. To start with, like pretty much everyone else, a Buddhist monk is engaged in the pursuit of happiness, and not in a twisted masochistic way, but in a way that draws from a deep, ancient wisdom, which is almost totally unheard of in the West, and which everyone has to try and see for themselves to really know it.

But let me start with examining how we usually pursue happiness in the modern world, especially in Western, capitalist societies. I think it’s fair to say that we mostly try to gain happiness by changing the circumstances of our life, in order to end up in a situation that satisfies us, which in other words satisfies our mind. Thus, a lot of people want to become rich and/or get into the perfect relationship of their dreams. Some want to become famous, others want to achieve something that no one has ever done before…

All these strategies have something in common though: they are attempts to act externally, to change the world around us so that it provides us what we want. The problem with that paradigm is that a lot of the factors involved in achieving this kind of success are beyond our control, and as a result most of us suffer frustration and dissatisfaction in the process, and soon find out that success rarely comes without sacrifice.

So the way to happiness, for most of us, is known to be an arduous one, because we make it depend on factors that are beyond our control. To make matters worse, the social engineers who design modern society, a.k.a. the rich and powerful, are very smart and cunning. They have understood very well that the key to their wealth and power lies inside our minds, and if by way of relentless advertisements, entertainments or influence from celebrities, they can hijack our dreams, our notion of what happiness is, they figured that they can control our behavior, so that we will choose to follow them on a (typically) materialistic goose chase, in the process of which we will increase their wealth.

There’s an episode of The Boondocks that illustrates this. Jazmine, the neighbor’s daughter, takes advantage of a heat wave to sell neighborhood-friendly lemonade on the sidewalk. All is well until a rich man notices there’s money to be made and stops by. He dangles in front of her the prospect of getting a pony if she signs a contract with him and fulfills it by selling enough lemonade. She takes the bait, and the rich man ends up taking all the money, while making her life miserable. Similarly, after chasing home ownership, or getting a big and tall car, or a swimming pool for their house, or taking whatever bait of the ‘goods and services’ kind, many of us end up stuck with debt and a job they’d rather not do, running in an endless hamster wheel that generates more wealth for someone who’s already rich.

And then, even people who succeed in looking for happiness that way are often seen to be miserable in their personal lives. Hollywood has more than a few of such characters: some even commit suicide (Robin Williams, Tony Scott), others have painful and heavily publicized relationship breakups (Johnny Depp, Angelina Jolie), drug addictions etc. And even if they somehow manage to avoid all that they still have, like everyone else, to grow old, to eventually become sick, and die.

But what if there was a better way?

Let me suggest a paradigm shift: if happiness happens when our mind is satisfied with the present circumstances of our life, why not, instead of trying to change these circumstances (which lie mostly beyond our control) so that they satisfy our mind, rather trying to change our mind itself (which potentially lies within our sphere of control, and is much easier to change than the external world) so that it becomes more easily satisfied with the circumstances of our life, as they already are? (Of course, there’s the caveat that this strategy does presuppose that a few basic needs are fulfilled: security, freedom, water, food, shelter…)

In other words, the idea is that the key to our happiness, much like the key to our oligarchs’ wealth and power, lies within our minds, since after all happiness is nothing but a state of mind. So the strategy here would be to stop the Herculean task of trying to bend the world around us so that it satisfies us, and instead to train our mind to become happy here and now, in the world as it already is.

This, however, requires time and energy, which is why it’s much easier to do it if we are free from all requirements and responsibilities imposed on us by society. This is a reason to go train in a monastery, since Buddhist monks are beggars for food, in order to get a completely free schedule and no worries about anything, so that they can dedicate all their time and energy to the pursuit of happiness through training their mind to be happy.

But this begs the question: what sort of mental training will make me happier than a rich and famous Hollywood star? Well, buckle up. We’re going for a dive.

Let me first address the question: what is preventing me from experiencing total happiness and bliss right here, right now? The Buddha says it’s simply our chronic lack of satisfaction with the present moment, which he calls the first ‘noble truth’ of unsatisfactoriness (dukkha). So, then, what causes this lack of satisfaction? He says it’s the thirst (taṇhā), essentially for – but not limited to – pleasures of the five senses, which finds satisfaction in external objects here and there, however only in a limited capacity, since pleasures of the senses can only ever be transitory.

In other words, it is the thirst for all the pleasing experiences we would rather have right now, instead of what we’re actually having, that prevents us from being happy in the present, and the Buddha calls that the second noble truth. So logically, removing that thirst which stands in the way of our happiness will allow the mind to be completely satisfied with the present moment, and that’s the third noble truth. The fourth and last noble truth is an eight-step way to achieve the removal of that thirst and thereby complete, lasting happiness, even through old age, sickness and death.

So a man goes to a Buddhist monastery in order to gain happiness by removing that thirst from his mind. Well, that’s easier said than done, because he has identified himself with that thirst for a long time, and he has let it control his life. Now how does he do it?

This is where, as I said earlier, the West is lacking in fundamental wisdom, because there, no culturally well-known method exists to achieve this removal. The teachings merely say ‘don’t do so and so’. How? That’s all for yourself to figure out! Good luck! As a result, the only thing the people engaged on such a journey are seen trying is repression, an attempt to drive this thirst underground, transforming it into an under-the-bed monster lurking in the dark of their subconscious, that ends up coming out in full force in the middle of the night, and driving them mad, on account of which too many end up engaging in self-defeating or even criminal acts. It’s as if they had a bag of candy (a.k.a. pleasing and desirable objects of the five senses) and they wanted to get rid of it in order to find true happiness, but their own mind rebels against them because they don’t know about the bar of gold they ought to give it in exchange for the candy.

What bar of gold? It starts with a practice which is not traditionally known in the West: meditation. It’s a fairly simple concept, though: you just sit down cross-legged, straighten your back and remain aware of your breath around your nostrils, whether it’s coming in or going out, nothing else. That’s it. It may seem strange if you have no experience of it, but a lot of things start happening, both in the body and the mind. Long story short, if you have a map of how to navigate the difficulties of this very simple practice and avoid its hazardous reefs and whirlpools, if you have nothing left to have any remorse for (in the form of unpleasant thoughts), you arrive at a point (called jhana, a.k.a. Zen) where you experience a particular kind of subtle joy. This joy creates a type of pleasure in the body which is better, subtler and more refined than any other pleasure you’ve ever experienced.

And that’s a real game changer that the West has essentially remained ignorant of. Because you don’t have to think about it, your body and your mind feel it. So every time you remember anything you’ve done before, it only pales in comparison to what you are experiencing in the present moment, and you don’t feel any thirst any more for those things. Be it sight-seeing, vacations, food, sex, you name it. Your brain knows, feels that what you’re getting now is of better quality.

And what is more, unlike pleasures of the five senses, this pleasure is more lasting. If you eat a lot or have a lot of sex, you will soon end up grossed out about the whole thing and start chasing something else. But here, you can enjoy an unlimited amount of this pleasure, and you progressively learn to get an unlimited supply of it. On top of that, there’s further stages where it becomes stronger, more refined, until, according to the map, you transcend even that pleasure for a something still better.

This is how you successfully trade candy for gold. Jhana is a skillful form of indulgence, where you use your mind’s natural tendency towards hedonism to free it from the hardships of hedonism as a lifestyle, which arise when we make efforts to obtain contact with pleasing objects of the five senses. You suffuse your body with a non-sensual pleasure (said to be non-sensual because arising from the joy, a mental state, and not an object of the five senses) that easily counteract any sense of deprivation that would otherwise come from trying to abandon the thirst. There is no need for repression, for trying to drive one’s natural tendencies underground, towards the dark of the subconscious, and much less danger of it suddenly coming out to bite.

Once we are freed, even partially, from the thirst and the quests it throws us onto, we have a greater sense of freedom, we are able to be happy here and now without feeling the need to change the present circumstances by means of a complicated goose chase.

Getting to jhana is not the end of the path though, it’s actually just the beginning, one could even say a prerequisite, but life and its level of happiness already improve so tremendously that going back to the daily struggles of regular life seems like a giant whirlpool of hassle. Which is why someone may feel like life in a monastery isn’t so bad after all.

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Ce que les souttas nous disent à propos d’ānāpānassati

ānāpānassati: [ānāpāna+sati]
présence de l’esprit sur la respiration, attention portée à la respiration.

Ānāpānassati a son propre saṃyutta (SN 54).

La description standard de la pratique d’ānāpānassati est donnée par exemple dans le Mahārāhulovāda Sutta:

MN 62
“ānāpānassatiṃ, rāhula, bhāvanaṃ bhāvehi. ānāpānassati hi te, rāhula, bhāvitā bahulīkatā mahapphalā hoti mahānisaṃsā. kathaṃ bhāvitā ca, rāhula, ānāpānassati, kathaṃ bahulīkatā mahapphalā hoti mahānisaṃsā ? idha, rāhula,..Développe la présence de l’esprit sur la respiration, Rahula. Lorsque la présence de l’esprit sur la respiration est développée et cultivée, elle porte d’excellents fruits, apporte de grands bienfaits. Et comment la présence de l’esprit sur la respiration est-elle développée et cultivée afin de porter d’excellents fruits, d’apporter de grands bienfaits? En cela, Rahula..
Bhikkhu araññagato 
Un bhikkhus’étant rendu dans la forêt

rukkhamūlagato 
ou s’étant rendu au pied d’un arbre

suññ·āgāragato 
ou s’étant rendu dans un local vide,

nisīdati pallaṅkaṃ ābhujitvā
s’assoitfléchissant les jambes en les croisant,

ujuṃ kāyaṃ paṇidhāya
dressant le corps droit,

parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā.
et mettant en place [sa] présence de l’esprit entre le nez et la bouche.

So sato·va assasatisato·va passasati.
Ainsi présent d’esprit il inspireainsi présent d’esprit il expire.

Dīghaṃ  assasanto ‘dīghaṃ assasāmī‘ ti pajānāti.
En inspirant profondément il comprend: ‘J’inspire profondément‘.

Dīghaṃ  passasanto ‘dīghaṃ passasāmī‘ ti pajānāti.
En expirant profondément il comprend: ‘j’expire profondément‘.

Rassaṃ  assasanto ‘rassaṃ assasāmī‘ ti pajānāti.
En inspirant superficiellement il comprend: ‘J’inspire superficiellement‘.

Rassaṃ  passasanto ‘rassaṃ passasāmī‘ ti pajānāti.
En expirant superficiellement il comprend: ‘j’expire superficiellement‘.

Sabba·kāya·paṭisaṃvedī assasissāmī’ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais inspirer en ressentant le corps tout entier‘.

Sabbakāyapaṭisaṃvedī passasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais expirer en ressentant le corps tout entier‘.

Passambhayaṃ kāyasaṅkhāraṃ assasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais inspireren calmant fabrications du corps‘.

Passambhayaṃ kāyasaṅkhāraṃ passasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais expirer en calmant les fabrications du corps‘.

Pītipaṭisaṃvedī assasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais inspirer en ressentant l’exaltation‘.

Pītipaṭisaṃvedī passasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais expirer en ressentant l’exaltation‘.

Sukhapaṭisaṃvedī assasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais inspirer en ressentant le bien-être‘.

Sukhapaṭisaṃvedī passasissāmī‘ ti sikkhati.
Il s’entraîne: ‘je vais expirer en ressentant le bien-être‘.

MN 62 (suite)
‘Citta-saṅkhāra-paṭisaṃvedī assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Citta-saṅkhāra-paṭisaṃvedī passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Passambhayaṃ citta-saṅkhāraṃ assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Passambhayaṃ citta-saṅkhāraṃ passasissāmī’ ti sikkhati.Il s’entraîne: ‘en ressentant les fabrications de l’esprit, je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en ressentant les fabrications de l’esprit, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en calmant les fabrications de l’esprit, je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en calmant les fabrications de l’esprit, je vais expirer’.
‘Citta-paṭisaṃvedī assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Citta-paṭisaṃvedī passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Abhippamodayaṃ cittaṃ assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Abhippamodayaṃ cittaṃ passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Samādahaṃ cittaṃ assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Samādahaṃ cittaṃ passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Vimocayaṃ cittaṃ assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Vimocayaṃ cittaṃ passasissāmī’ ti sikkhati.Il s’entraîne: ‘en ressentant l’esprit je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en ressentant l’esprit, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en satisfaisant l’esprit je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en satisfaisant l’esprit, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en concentrant l’esprit je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en concentrant l’esprit, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en délivrant l’esprit je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en délivrant l’esprit, je vais expirer’.
‘Anicc·ānupassī assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Anicc·ānupassī passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Virāg·ānupassī assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Virāg·ānupassī passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Nirodh·ānupassī assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Nirodh·ānupassī passasissāmī’ ti sikkhati. ‘Paṭinissagg·ānupassī assasissāmī’ ti sikkhati. ‘Paṭinissagg·ānupassī passasissāmī’ ti sikkhati.Il s’entraîne: ‘en contemplant l’impermanence je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant l’impermanence, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant le désenchantement je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant le désenchantement, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant la cessation je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant la cessation, je vais expirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant l’abandon je vais inspirer’. Il s’entraîne: ‘en contemplant l’abandon, je vais expirer’.
“evaṃ bhāvitā kho, rāhula, ānāpānassati, evaṃ bahulīkatā mahapphalā hoti mahānisaṃsā. evaṃ bhāvitāya, rāhula, ānāpānassatiyā, evaṃ bahulīkatāya yepi te carimakā assāsā tepi viditāva nirujjhanti no aviditā”ti.Lorsque la présence de l’esprit sur la respiration est développée et cultivée ainsi, Rahula, elle porte d’excellents fruits, apporte de grands bienfaits. Grâce à la présence de l’esprit sur la respiration développée et cultivée ainsi, même les dernières expirations cessent en étant connues, pas en étant méconnues.

Cette dernière phrase mérite d’être notée: ‘Grâce à la présence de l’esprit sur la respiration développée et cultivée ainsi, même les dernières expirations [avant la mort] cessent en étant connues, pas en étant méconnues’.

♦ D’après le Padīpopama Sutta et l’Icchānaṅgala Sutta, le Bouddha lui-même a une prédilection pour ānāpānassati:
SN 54.8
evaṃ bhāvito kho, bhikkhave, ānāpānassatisamādhi evaṃ bahulīkato mahapphalo hoti mahānisaṃso. ahampi sudaṃ, bhikkhave, pubbeva sambodhā anabhisambuddho bodhisattova samāno iminā vihārena bahulaṃ viharāmi. tassa mayhaṃ, bhikkhave, iminā vihārena bahulaṃ viharato neva kāyo kilamati na cakkhūni; anupādāya ca me āsavehi cittaṃ vimucci.Lorsque la concentration au moyen de la présence de l’esprit sur la respiration est développée et cultivée ainsi, elle porte beaucoup de fruits et apporte de grands bienfaits. Moi-même, bhikkhous, avant mon éveil complet, lorsque je n’étais qu’un bodhisatta pas encore pleinement éveillé, j’ai séjourné abondamment dans ce séjour [méditatif]. Lorsque je séjournais abondamment dans ce séjour, bhikkhous, ni mon corps ni mes yeux n’étaient fatigués; et par l’absence d’attachement, mon esprit fut délivré de ses impuretés.

SN 54.11
ekaṃ samayaṃ bhagavā icchānaṅgale viharati icchānaṅgalavanasaṇḍe. tatra kho bhagavā bhikkhū āmantesi — “icchāmahaṃ, bhikkhave, temāsaṃ paṭisallīyituṃ. nāmhi kenaci upasaṅkamitabbo, aññatra ekena piṇḍapātanīhārakenā”ti. “evaṃ, bhante”ti kho te bhikkhū bhagavato paṭissutvā nāssudha koci bhagavantaṃ upasaṅkamati, aññatra ekena piṇḍapātanīhārakena.En une occasion, le Fortuné séjournait près d’Itchanangala, dans le maquis forestier d’Itchanangala. En cette occasion-là, il s’adressa aux bhikkhous:  » Bhikkhous, je souhaite m’isoler pendant trois mois. Que personne ne vienne me voir, mis à part celui qui m’apporte de la nourriture d’aumônes. » « Oui, Bhanté », répondirent les bhikkhous, et personne n’alla voir le Fortuné, mis à part celui qui lui apportait de la nourriture d’aumônes.
atha kho bhagavā tassa temāsassa accayena paṭisallānā vuṭṭhito bhikkhū āmantesi: “sace kho, bhikkhave, aññatitthiyā paribbājakā evaṃ puccheyyuṃ: ‘katamenāvuso, vihārena samaṇo gotamo vassāvāsaṃ bahulaṃ vihāsī’ti, evaṃ puṭṭhā tumhe, bhikkhave, tesaṃ aññatitthiyānaṃ paribbājakānaṃ evaṃ byākareyyātha — ‘ānāpānassatisamādhinā kho, āvuso, bhagavā vassāvāsaṃ bahulaṃ vihāsī’ti.Alors à la fin de ces trois mois, le Fortuné sortit de l’isolement et s’adressa aux bhikkhous: « Bhikkhous, si des vagabonds spirituels hétérodoxes vous demandent: ‘Ami, dans quel séjour le renonçant Gotama séjourne-t-il le plus pendant la retraite des pluies?’ vous devriez leur répondre: ‘Ami, c’est dans la concentration au moyen de la présence de l’esprit sur la respiration que le Fortuné séjourne le plus pendant la retraite des pluies.' »

♦ Le Bouddha fait grandement l’éloge d’un bhikkhou qui pratique ānāpānassati:
AN 1.479
“accharāsaṅghātamattampi ce, bhikkhave, bhikkhu ānāpānassatiṃ bhāveti bhāveti, ayaṃ vuccati, bhikkhave — ‘bhikkhu arittajjhāno viharati, satthusāsanakaro ovādapatikaro, amoghaṃ raṭṭhapiṇḍaṃ bhuñjati’. ko pana vādo ye naṃ bahulīkarontī”ti!Bhikkhous, si un bhikkhou développe la perception de non-complaisance envers le monde entier, ne serait-ce que le temps d’un claquement de doigts, on dit de lui que c’est un bhikkhou qui n’est pas dépourvu de méditation, qui suit les instructions de l’Enseignant, qui répond aux exhortations, et qui ne mange pas la nourriture du pays en vain. Et que dire de ceux qui la cultivent!

♦ D’après le Mahākappina Sutta, ānāpānassati produit une stabilité du corps et de l’esprit:
SN 54.7
tena kho pana samayena āyasmā mahākappino bhagavato avidūre nisinno hoti pallaṅkaṃ ābhujitvā ujuṃ kāyaṃ paṇidhāya parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā. addasā kho bhagavā āyasmantaṃ mahākappinaṃ avidūre nisinnaṃ pallaṅkaṃ ābhujitvā ujuṃ kāyaṃ paṇidhāya parimukhaṃ satiṃ upaṭṭhapetvā. disvāna bhikkhū āmantesi:En cette occasion-là, le vénérable Mahakappina était assis non loin du Fortuné, jambes croisées, maintenant [son] corps droit, et mettant en place [sa] présence d’esprit entre le nez et la bouche. Le Fortuné vit le vénérable Mahakappina assis non loin de là, jambes croisées, maintenant [son] corps droit, et mettant en place [sa] présence d’esprit entre le nez et la bouche. L’ayant vu, il s’adressa aux bhikkhous:
— “passatha no tumhe, bhikkhave, etassa bhikkhuno kāyassa iñjitattaṃ vā phanditattaṃ vā”ti?— Bhikkhous, est-ce que vous voyez un vacillement ou des tremblements dans le corps de ce bhikkhou?
— “yadāpi mayaṃ, bhante, taṃ āyasmantaṃ passāma saṅghamajjhe vā nisinnaṃ ekaṃ vā raho nisinnaṃ, tadāpi mayaṃ tassa āyasmato na passāma kāyassa iñjitattaṃ vā phanditattaṃ vā”ti.— Bhanté, chaque fois que nous voyons ce vénérable, que ce soit au sein de la Communauté ou assis tout seul en privé, nous ne voyons pas de vacillement ni de tremblements dans son corps.
“ānāpānassatisamādhissa, bhikkhave, bhāvitattā bahulīkatattā neva kāyassa iñjitattaṃ vā hoti phanditattaṃ vā, na cittassa iñjitattaṃ vā hoti phanditattaṃ vā.C’est par le développement et la culture de la concentration au moyen de la présence de l’esprit sur la respiration, bhikkhous, qu’il n’y a pas de vacillement ou de tremblement dans le corps, ni de vacillement ou de tremblement dans l’esprit.

♦ La pratique d’ānāpānassati est recommandée comme remède à l’agitation mentale:
AN 6.115
cetaso vikkhepassa pahānāya ānāpānassati bhāvetabbāpour abandonner l’agitation mentale, la présence de l’esprit sur la respiration devrait être développée

Elle est également recommandée pour ‘couper’ les pensées (vitakk·upacchedāya) et éliminer les schémas de pensés extérieures perturbateurs (bāhirā vitakkāsayā vighāta·pakkhikā)
AN 9.1
ānāpānassati bhāvetabbā vitakkupacchedāyala présence de l’esprit sur la respiration est à développer pour l’arrêt des pensées

It 85
ānāpānassatiyā ajjhattaṃ parimukhaṃ sūpaṭṭhititāya ye bāhirā vitakkāsayā vighātapakkhikā, te na hontiLorsque la présence de l’esprit sur la respiration est bien mise en place entre le nez et la bouche, il n’y a pas de pensés extérieures perturbatrices

♦ L’Ānāpānassati Sutta explique comment la pratique d’ānāpānassati porte la pratique des satipaṭṭhānas à sa plénitude:
MN 118
“kathaṃ bhāvitā ca, bhikkhave, ānāpānassati kathaṃ bahulīkatā cattāro satipaṭṭhāne paripūreti? yasmiṃ samaye, bhikkhave, bhikkhu dīghaṃ vā assasanto ‘dīghaṃ assasāmī’ti pajānāti, dīghaṃ vā passasanto ‘dīghaṃ passasāmī’ti pajānāti; rassaṃ vā assasanto ‘rassaṃ assasāmī’ti pajānāti, rassaṃ vā passasanto ‘rassaṃ passasāmī’ti pajānāti; ‘sabbakāyapaṭisaṃvedī assasissāmī’ti sikkhati, ‘sabbakāyapaṭisaṃvedī passasissāmī’ti sikkhati; ‘passambhayaṃ kāyasaṅkhāraṃ assasissāmī’ti sikkhati, ‘passambhayaṃ kāyasaṅkhāraṃ passasissāmī’ti sikkhati; kāye kāyānupassī, bhikkhave, tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ. kāyesu kāyaññatarāhaṃ, bhikkhave, evaṃ vadāmi yadidaṃ — assāsapassāsā. tasmātiha, bhikkhave, kāye kāyānupassī tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ.Et comment, bhikkhous, ānāpānassati est-elle développée, comment est-elle cultivée afin de porter les quatre satipaṭṭhānas à leur plénitude? Lorsque, bhikkhous, un bhikkhou, en inspirant longuement, comprend: ‘j’inspire longuement’; en expirant longuement comprend: ‘j’expire longuement’; en inspirant courtement comprend: ‘J’inspire courtement’; en expirant courtement comprend: ‘j’expire courtement’; qu’il s’entraîne: ‘en ressentant le corps tout entier, je vais inspirer’; qu’il s’entraîne: ‘en ressentant le corps tout entier, je vais expirer’; qu’il s’entraîne: ‘en calmant les fabrications du corps je vais inspirer’; qu’il s’entraîne: ‘en calmant les fabrications du corps, je vais expirer’, à ce moment-là, bhikkhous, le bhikkhu reste à observer le corps dans le corps, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde. Je dis, bhikkhous, que l’inspiration et l’expiration constituent un certain corps dans le corps. C’est pourquoi, bhikkhous, en cette occasion un bhikkhou reste à observer le corps dans le corps, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde.
“yasmiṃ samaye, bhikkhave, bhikkhu ‘pītipaṭisaṃvedī assasissāmī’ti sikkhati, ‘pītipaṭisaṃvedī passasissāmī’ti sikkhati; ‘sukhapaṭisaṃvedī assasissāmī’ti sikkhati, ‘sukhapaṭisaṃvedī passasissāmī’ti sikkhati; ‘cittasaṅkhārapaṭisaṃvedī assasissāmī’ti sikkhati, ‘cittasaṅkhārapaṭisaṃvedī passasissāmī’ti sikkhati; ‘passambhayaṃ cittasaṅkhāraṃ assasissāmī’ti sikkhati, ‘passambhayaṃ cittasaṅkhāraṃ passasissāmī’ti sikkhati; vedanāsu vedanānupassī, bhikkhave, tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ. vedanāsu vedanāññatarāhaṃ, bhikkhave, evaṃ vadāmi yadidaṃ — assāsapassāsānaṃ sādhukaṃ manasikāraṃ. tasmātiha, bhikkhave, vedanāsu vedanānupassī tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ.Lorsque, bhikkhous, un bhikkhou s’entraîne: ‘en ressentant l’exaltation, je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en ressentant l’exaltation, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en ressentant le bien-être, je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en ressentant le bien-être, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en ressentant les fabrications de l’esprit, je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en ressentant les fabrications de l’esprit, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en calmant les fabrications de l’esprit, je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en calmant les fabrications de l’esprit, je vais expirer’, à ce moment-là, bhikkhous, le bhikkhu reste à observer les ressentis dans les ressentis, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde. Je dis, bhikkhous, que l’attention minutieuse portée à l’inspiration et l’expiration constitue un certain ressenti dans les ressentis. C’est pourquoi, bhikkhous, en cette occasion un bhikkhou reste à observer les ressentis dans les ressentis, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde.
“yasmiṃ samaye, bhikkhave, bhikkhu ‘cittapaṭisaṃvedī assasissāmī’ti sikkhati, ‘cittapaṭisaṃvedī passasissāmī’ti sikkhati; ‘abhippamodayaṃ cittaṃ assasissāmī’ti sikkhati, ‘abhippamodayaṃ cittaṃ passasissāmī’ti sikkhati; ‘samādahaṃ cittaṃ assasissāmī’ti sikkhati, ‘samādahaṃ cittaṃ passasissāmī’ti sikkhati; ‘vimocayaṃ cittaṃ assasissāmī’ti sikkhati, ‘vimocayaṃ cittaṃ passasissāmī’ti sikkhati; citte cittānupassī, bhikkhave, tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ. nāhaṃ, bhikkhave, muṭṭhassatissa asampajānassa ānāpānassatiṃ vadāmi. tasmātiha, bhikkhave, citte cittānupassī tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ.Lorsque, bhikkhous, un bhikkhou s’entraîne: ‘en ressentant l’esprit je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en ressentant l’esprit, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en satisfaisant l’esprit je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en satisfaisant l’esprit, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en concentrant l’esprit je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en concentrant l’esprit, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en délivrant l’esprit je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en délivrant l’esprit, je vais expirer’, à ce moment-là, bhikkhous, le bhikkhu reste à observer l’esprit dans l’esprit, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde. Je ne parle pas, bhikkhous, d’ānāpānassati pour celui qui perd la présence d’esprit, celui qui n’a pas de discernement attentif. C’est pourquoi, bhikkhous, en cette occasion un bhikkhou reste à observer l’esprit dans l’esprit, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde.
“yasmiṃ samaye, bhikkhave, bhikkhu ‘aniccānupassī assasissāmī’ti sikkhati, ‘aniccānupassī passasissāmī’ti sikkhati; ‘virāgānupassī assasissāmī’ti sikkhati, ‘virāgānupassī passasissāmī’ti sikkhati; ‘nirodhānupassī assasissāmī’ti sikkhati, ‘nirodhānupassī passasissāmī’ti sikkhati; ‘paṭinissaggānupassī assasissāmī’ti sikkhati, ‘paṭinissaggānupassī passasissāmī’ti sikkhati; dhammesu dhammānupassī, bhikkhave, tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ. so yaṃ taṃ abhijjhādomanassānaṃ pahānaṃ taṃ paññāya disvā sādhukaṃ ajjhupekkhitā hoti. tasmātiha, bhikkhave, dhammesu dhammānupassī tasmiṃ samaye bhikkhu viharati ātāpī sampajāno satimā vineyya loke abhijjhādomanassaṃ.Lorsque, bhikkhous, un bhikkhou s’entraîne: ‘en contemplant aniccā je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en contemplant aniccā, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en contemplant le désenchantement je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en contemplant le désenchantement, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en contemplant la cessation je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en contemplant la cessation, je vais expirer’; s’entraîne: ‘en contemplant l’abandon je vais inspirer’; s’entraîne: ‘en contemplant l’abandon, je vais expirer’, à ce moment-là, bhikkhous, le bhikkhu reste à observer les phénomènes dans les phénomènes, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde. Celui qui a abandonné convoitise et affliction mentale, ayant vu avec discernement, observe de près avec équanimité. C’est pourquoi, bhikkhous, en cette occasion un bhikkhou reste à observer les phénomènes dans les phénomènes, ardent, doué d’un discernement attentif, présent d’esprit, ayant abandonné abandonné convoitise et affliction mentale vis-à-vis du monde.
“evaṃ bhāvitā kho, bhikkhave, ānāpānassati evaṃ bahulīkatā cattāro satipaṭṭhāne paripūreti.Ainsi développée, bhikkhous, ainsi cultivée, ānāpānassati porte les quatre satipaṭṭhānas à leur plénitude.

♦ Beaucoup d’autres bénéfices de la pratique d’ānāpānassati sont mentionnés dans les souttas. Elle mène à un grand confort (mahato phāsuvihārāya saṃvattati, SN 46.71), au fait que ni le corps ni les yeux ne fatiguent, et à la délivrance de l’esprit de ses impuretés (neva me kāyo kilameyya na cakkhūni, anupādāya ca me āsavehi cittaṃ vimucceyyā’tiSN 54.8), à l’abandon des souvenirs et des aspirations liés à la vie de foyer (ye me gehasitā sarasaṅkappā te pahīyeyyu’tiSN 54.8), au succès dans les diverses pratiques liées au dégoût (‘appaṭikūle paṭikūlasaññī vihareyyan’ti… ‘appaṭikūlañca paṭikūlañca tadubhayaṃ abhinivajjetvā upekkhako vihareyyaṃ sato sampajāno’tiSN 54.8), à la maîtrise des huit jhānas (SN 54.8).
SN 54.8
“evaṃ bhāvite kho, bhikkhave, ānāpānassatisamādhimhi evaṃ bahulīkate, sukhaṃ ce vedanaṃ vedayati, sā ‘aniccā’ti pajānāti, ‘anajjhositā’ti pajānāti, ‘anabhinanditā’ti pajānāti; dukkhaṃ ce vedanaṃ vedayati, ‘sā aniccā’ti pajānāti, ‘anajjhositā’ti pajānāti, ‘anabhinanditā’ti pajānāti; adukkhamasukhaṃ ce vedanaṃ vedayati, ‘sā aniccā’ti pajānāti, ‘anajjhositā’ti pajānāti, ‘anabhinanditā’ti pajānāti”.Ayant ainsi développé, bhikkhous, ayant ainsi cultivé la concentration au moyen de la présence de l’esprit sur la respiration, s’il ressent un ressenti agréable, il comprend qu’il est impermanent, il comprend qu’il n’y a pas d’attachement [à son égard], il comprend qu’il n’y a pas de complaisance [à son égard]. S’il ressent un ressenti désagréable, il comprend qu’il est impermanent, il comprend qu’il n’y a pas d’attachement [à son égard], il comprend qu’il n’y a pas de complaisance [à son égard]. S’il ressent un ressenti neutre, il comprend qu’il est impermanent, il comprend qu’il n’y a pas d’attachement [à son égard], il comprend qu’il n’y a pas de complaisance [à son égard].
“sukhaṃ ce vedanaṃ vedayati, visaṃyutto naṃ vedayati; dukkhaṃ ce vedanaṃ vedayati, visaṃyutto naṃ vedayati; adukkhamasukhaṃ ce vedanaṃ vedayati, visaṃyutto naṃ vedayati.Lorsqu’il ressent un ressenti agréable, il le ressent en en étant disjoint. Lorsqu’il ressent un ressenti désagréable, il le ressent en en étant disjoint. Lorsqu’il ressent un ressenti neutre, il le ressent en en étant disjoint.
“seyyathāpi, bhikkhave, telañca paṭicca, vaṭṭiñca paṭicca telappadīpo jhāyeyya, tasseva telassa ca vaṭṭiyā ca pariyādānā anāhāro nibbāyeyya; evameva kho, bhikkhave, bhikkhu kāyapariyantikaṃ vedanaṃ vedayamāno ‘kāyapariyantikaṃ vedanaṃ vedayāmī’ti pajānāti, jīvitapariyantikaṃ vedanaṃ vedayamāno ‘jīvitapariyantikaṃ vedanaṃ vedayāmī’ti pajānāti, ‘kāyassa bhedā uddhaṃ jīvitapariyādānā idheva sabbavedayitāni anabhinanditāni sītībhavissantī’ti pajānātī”ti.Tout comme, bhikkhous, une lampe à huile brûlant au moyen d’une huile et d’une mèche s’éteint [au moment de] la consommation complète de l’huile et de la mèche par manque de combustible, de la même manière, lorsqu’un bhikkhou ressent un ressenti qui se terminera avec le corps, il comprend: ‘Je ressens un ressenti qui se terminera avec le corps’; lorsqu’il ressent un ressenti qui se terminera avec la vie, il comprend: ‘Je ressens un ressenti qui se terminera avec la vie’; il comprend: ‘Lors de la dissolution du corps, au moment où la vie se terminera, tout ce qui est ressenti ici, n’étant pas un objet de complaisance, s’apaisera.’

La pratique d’ānāpānassati peut aussi mener à la connaissance (au niveau d’un arahant), ou sinon à anāgāmitā (diṭṭheva dhamme aññā, sati vā upādisese anāgāmitā”tiSN 54.4), ou encore d’après SN 54.5, à la connaissance finale (paṭikacca aññaṃ) au moment de la mort (maraṇakāle), ou à devenir quelqu’un qui atteint Nibbāna dans l’intervalle [entre les vies] (antarāparinibbāyī), ou à devenir quelqu’un qui atteint Nibbāna en arrivant [dans une nouvelle existence] (upahaccaparinibbāyī), ou à devenir quelqu’un qui atteint Nibbāna sans effort (asaṅkhāraparinibbāyī), ou à devenir quelqu’un qui atteint Nibbāna avec effort (sasaṅkhāraparinibbāyī), ou encore à ‘remonter le courant’ et se rendre dans l’Akanittha (uddhaṃsoto hoti akaniṭṭhagāmī).
Il est également dit que pratiquer ānāpānassati mène complètement à virāganirodhaupasamaabhiññāsambodhi et nibbāna (ekantanibbidāya virāgāya nirodhāya upasamāya abhiññāya sambodhāya nibbānāya saṃvattati, AN 1.297).

♦ La concentration fondée sur la présence de l’esprit sur la respiration (ānāpānassati·samādhi) est appelée à SN 54.12 “le séjour d’un Noble” (ariya·vihāro), “le séjour de/d’un Brahmā” (brahma·vihāro), “le séjour du Tathāgata” (tathāgata·vihāro).
SN 54.9
“seyyathāpi, bhikkhave, gimhānaṃ pacchime māse ūhataṃ rajojallaṃ, tamenaṃ mahāakālamegho ṭhānaso antaradhāpeti vūpasameti; evameva kho, bhikkhave, ānāpānassatisamādhi bhāvito bahulīkato santo ceva paṇīto ca asecanako ca sukho ca vihāro uppannuppanne ca pāpake akusale dhamme ṭhānaso antaradhāpeti vūpasameti.Tout comme, bhikkhous, durant le dernier mois d’été, un grand nuage de pluie hors de saison dissipe et fait disparaître [un nuage de] poussière soulevée, de la même manière, cette concentration au moyen de la présence de l’esprit sur la respiration, lorsqu’elle est développée et cultivée, est paisible, sublime, superbe, c’est un séjour agréable, elle dissipe et fait disparaître les états mentaux mauvais et désavantageux lorsqu’ils apparaissent.

Pour les apprenants (sekha), elle mène à la destruction des āsavas. Pour les arahants, elle procure un séjour plaisant, ainsi que sati·sampajañña.
SN 54.12
“ye te, bhikkhave, bhikkhū sekhā appattamānasā anuttaraṃ yogakkhemaṃ patthayamānā viharanti, tesaṃ ānāpānassatisamādhi bhāvito bahulīkato āsavānaṃ khayāya saṃvattati.Pour les bhikkhous en entraînement, dont l’esprit n’est pas accompli et qui aspirent au suprême soulagement du joug, la concentration basée sur la présence de l’esprit sur la respiration, lorsqu’elle est développée et cultivée, mène à la destruction des impuretés.
“ye ca kho te, bhikkhave, bhikkhū arahanto khīṇāsavā vusitavanto katakaraṇīyā ohitabhārā anuppattasadatthā parikkhīṇabhavasaṃyojanā sammadaññā vimuttā, tesaṃ ānāpānassatisamādhi bhāvito bahulīkato diṭṭheva dhamme sukhavihārāya ceva saṃvattati satisampajaññāya ca.Pour les bhikkhous qui sont des arahants, qui ont complètement éliminé les impuretés mentales, qui sont accomplis, qui ont fait ce qui devait l’être, qui ont déposé le fardeau, qui ont atteint l’objectif, qui ont complètement épuisé les entraves spirituelles de l’existence, et qui sont délivrés par compréhension correcte, la concentration basée sur la présence de l’esprit sur la respiration, lorsqu’elle est développée et cultivée, mène à un séjour plaisant dans le monde visible, ainsi qu’à la présence d’esprit et la compréhension attentive.

Pratiquer ānāpānassati·samādhi mène à abandonner les entraves (saṃyojanappahānāya saṃvattati, SN 54.17), à déraciner les tendances latentes (anusayasamugghātāya, 54.18), à la compréhension complète du chemin (addhānapariññāya, 54.19), et à la destruction des impuretés (āsavānaṃ khayāya, 54.20).
AN 5.96
“pañcahi, bhikkhave, dhammehi samannāgato bhikkhu ānāpānassatiṃ āsevanto nacirasseva akuppaṃ paṭivijjhati. katamehi pañcahi? idha, bhikkhave, bhikkhu appaṭṭho hoti appakicco subharo susantoso jīvitaparikkhāresu; appāhāro hoti anodarikattaṃ anuyutto; appamiddho hoti jāgariyaṃ anuyutto; bahussuto hoti sutadharo sutasannicayo, ye te dhammā ādikalyāṇā majjhekalyāṇā pariyosānakalyāṇā sātthaṃ sabyañjanaṃ kevalaparipuṇṇaṃ parisuddhaṃ brahmacariyaṃ abhivadanti, tathārūpāssa dhammā bahussutā honti dhātā vacasā paricitā manasānupekkhitā diṭṭhiyā suppaṭividdhā; yathāvimuttaṃ cittaṃ paccavekkhati.Doué de cinq choses, bhikkhous, un bhikkhou pratiquant la présence de l’esprit sur la respiration atteint en peu de temps l’Inébranlable. Quelles sont ces cinq? En cela, bhikkhous, un bhikkhou a peu de projets, peu d’obligations, il est facile à sustenter, facile à contenter avec les accessoires de la vie; il mange peu, il se voue à la frugalité; il a peu d’indolence, il se voue à la veille; il est très instruit, il garde à l’esprit ce qu’il a entendu, il accumule ce qu’il a entendu, et en ce qui concerne les enseignements qui sont bénéfiques au début, bénéfiques au milieu et bénéfiques à la fin, avec la signification et le phrasé corrects, révélant la vie brahmique qui est entièrement complète et pure, il a appris beaucoup de ces enseignements, il les a retenus à l’esprit, récités oralement, examinés mentalement et bien intégrés dans ses vues; il passe en revue la manière dont l’esprit a été libéré.

AN 5.97
(idem)(idem)
appamiddho hoti jāgariyaṃ anuyutto; yāyaṃ kathā ābhisallekhikā cetovivaraṇasappāyā, seyyathidaṃ — appicchakathā santuṭṭhikathā pavivekakathā asaṃsaggakathā vīriyārambhakathā sīlakathā samādhikathā paññākathā vimuttikathā vimuttiñāṇadassanakathā, evarūpiyā kathāya nikāmalābhī hoti akicchalābhī akasiralābhī; yathāvimuttaṃ cittaṃ paccavekkhati.il obtient à volonté, aisément et sans difficulté les conversations qui sont austères et qui sont propres à clarifier l’esprit, c’est-à-dire les allocutions à propos du peu de désirs, à propos du contentement [avec peu], à propos de l’isolement, à propos de la non-association [avec les autres], à propos de l’activation de l’énergie, à propos de la vertu, à propos de la concentration, à propos du discernement, à propos de la libération, à propos de la connaissance & vision de la libération; il passe en revue la manière dont l’esprit a été libéré.

AN 5.98
(idem)(idem)
āraññako hoti pantasenāsano; yathāvimuttaṃ cittaṃ paccavekkhati.il vit dans la forêt, dans des abris isolés; il passe en revue la manière dont l’esprit a été libéré.




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Nouvelles n°5 : Singapour

Bonjour à tous,

Cela fait un bail depuis mon dernier envoi de nouvelles, et j’espère que ça s’est bien passé pour vous depuis. A peu près tout se passe bien pour moi dans cette nouvelle vie. Un ami que j’ai rencontré en Guyane est venu me visiter depuis Bangkok, où il a pris sa retraite.

Cependant, il y a eu un changement important pour moi, puisque j’ai été ordonné bhikkhou (moine bouddhiste théravada, ou mendiant) le 12 Juillet. Ca s’est passé à Nandaka :

Ca n’a pas été tellement différent pour moi après ça. Je porte toujours les mêmes robes, je suis la même routine. J’ai un nouveau non, « Sekha » qui signifie « celui qui est en entraînement ». J’ai davantage de règles à suivre, et davantage d’incitations à les suivre sérieusement. Certaines exigent que je change mes habitudes. Par exemple, je n’ai pas le droit de regarder à la réflexion de mon visage dans un miroir (bien que j’en aie un dans la salle de bain), à moins qu’il y ait une raison valide de le faire, comme lorsque je me rase. Je me suis familiarisé avec les fondamentaux, et ce n’est pas si difficile à suivre.

Les jours se suivent, ils sont assez similaires les uns aux autres : je les passe à faire de la méditation, à apprendre la langue ‘Pali’, à traduire des textes et à apprendre les règles. Mais il y a une tendance générale à l’amélioration, et c’est ce que cette vie est fondamentalement : une amélioration lente et continue vers un bonheur toujours plus profond. Presque tout se passe bien, à part pour ma santé car j’ai fait une deuxième rechute de gastrite (probablement une infection H Pylori), dont il est difficile de se débarrasser et qui revient très facilement. Mais les volontaires qui m’aident ici ont remué ciel et terre pour me trouver un traitement, et j’espère pouvoir récupérer bientôt.

J’ai maintenant épuisé les 90 jours de mon visa Malaisien, du coup je suis venu à Singapour pour faire un visa run. Je suis en train de passer quelques jours au Pa Auk Meditation Center de Singapour. C’est en fait juste une grosse maison dans un quartier résidentiel riche de Singapour. C’est très calme pendant la journée, et il y a une très bonne énergie pour la méditation. Il y a deux autre moines qui vivent ici, et le plus jeune des deux (en âge de moine) est de 12 ans. L’un est birman l’autre est Singapourien, les deux sont très sympathiques.

L’autre jour je suis allé me balader avec le moine birman :

Du coup demain (le 5 Août) je prendrai un vol de retour pour Penang en Malaisie, en espérant que l’immigration malaisienne me donnera encore 90 jours. J’en ai besoin, parce qu’on est dans une période appelée vassa, ce qui signifie pluie en langue ‘Pali’. Ca signifie que pendant la mousson, on reste dans le même monastère pendant 3 mois. Les règles stipulent que je peux m’en aller pour au plus sept jours. Si l’immigration décide de me faire la vie dure, il faudra que je cherche un autre endroit où séjourner. Les candidats probables à mon avis sont un monastère près de l’île de Batam en Indonésie, en face de Singapour, ou ou un autre en Thailande.

Si vous ne recevez rien de ma part dans les semaines qui viennent, cela signifiera que je suis de retour à Nandaka comme prévu. Sinon, ça va être un peu plus compliqué.

Meilleurs souhaits, Paix & Amour

Sekha

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